Lorsque les 32 élèves du collège et du lycée voisin sont arrivés au jardin, tout était prêt pour les recevoir. Leurs enseignants ont conçu un programme sur l'année afin de découvrir le jardin, les plantes et leurs diverses utilisation : le jardinage, le compostage, les outils, les cycles naturels mais aussi la cuisine, les plantes tinctoriales et la phytothérapie. Tout cela au fils de l'année afin de voir les saisons s'écouler et prendre le temps de l'imprégnation nécessaire. Au cours de la première demi-heure, nous avons eu un grande frayeur : plusieurs jeunes chaussés de baskets d'une blancheur éclatante restaient à l'arrière, perchés comme le flamant rose endormi, ne s'intéressant à rien d'autre qu'à la propreté de leurs souliers. D'autres restaient repliés sur eux-mêmes, réfractaires à toute sollicitation, vociférant des regrets d'être ici, rechignant à s'évader de leur propre univers ne serait-ce que quelques instants, pour observer le vol délicat d'un papillon ou la lente progression d'une chenille sur un chou. Les salariés et bénévoles des Jardins Solidaires et Pluriels Vent d'Ouest à Niort, avaient vu les choses en grand. Proposant différents ateliers et des informations riches et variées à transmettre ; Thierry au compost expliquait tour à tour aux trois groupes, avec enthousiasme, la magie de ce tas de terre, son devenir et sa richesse. Laurent, jardinier professionnel transmettait avec ardeur l'utilisation et l'intérêt des différents outils : grelinette, fourchette-bêche, croc, etc. Avec Franck, que j'accompagnais, les élèves avaient l'occasion de comprendre pourquoi il n'y a pas d'herbes mauvaises au jardin. Tous les professionnels présents distillaient avec patience des informations essentielles sur la vie du jardin et au delà. Face à nous, des élèves plutôt rétifs ou "obligés " d'écouter, qui auraient pu nous décourager si nous n'étions pas nous même mû par une passion débordante. Ma mission s'enchainait l'après-midi : cuisiner, avec 10 élèves, les légumes, plantes et fruits récoltés au jardin. Une fois installée dans les cuisines du collège, ils sont arrivés. Comme je le prévoyais, le menu affiché a provoqué quelques étonnements pour ne pas dire de grosses appréhensions : salade de betteraves crues aux figues et aux herbes, salade de carottes et chayotte au jus d'orange, au cumin et à la coriandre, Velouté de courge au lait de coco, chutney de tomates vertes au fenouil, poireaux baguette en vinaigrette et à la bourrache.... trop de légumes, trop d'herbes et même des fleurs très dangereuses ! Groupés par deux, les élèves équipés comme des cuisiniers en chef, ont commencé à cuisiner et à se prendre au jeu. Je transmets, l'amour de faire et j'encourage à s'approprier la recette, à inventer... Alors que je les engageais à goûter, à se sentir libres de modifier les proportions selon leurs idées, à prendre le plus grand soin à la présentation en inventant des formes...le visage de ces enfants récalcitrants s'est ouvert, leurs yeux ont commencé à pétiller. La mayonnaise prenait ! J'avais devant moi, des enfants investis et motivés. Les beurks du début laissant la place à des découvertes de saveurs et de textures, des partages de tâches et d'idées, à une belle collaboration. Une vraie petite ruche bienheureuse. Ma plus grande joie, c'est Prune qui me l'a offerte. Tendre à fort caractère, un peu écorchée, Prune n'avait pas confiance en elle, et elle n'aimait pas le légume qu'elle devait cuisiner : ni sa forme, ni sa couleur, ni son goût... J'avais beau lui assurer qu'elle ferait une très belle présentation en prenant le temps qu'il faut, elle n'y croyait pas. Avant de nous quitter j'ai demandé leurs impressions aux enfants. Comment se sentaient-il en arrivant ? Qu'avaient-ils ressenti en cuisinant ensemble ? Et comment se sentaient-ils maintenant que l'atelier était terminé et qu'ils allaient partager leurs préparations avec les autres élèves ? Ils ont fait de gros efforts pour vaincre leur timidité et exprimer leurs ressentis. A part Prune, qui franco et la voix haute nous dit : "En arrivant, j'y croyais pas du tout et puis je n'aime pas les légumes, mais maintenant, j'adore la salade que j'ai préparé, c'est bon et je suis fière de moi". Elle m'a même demandé une chayotte pour la ramener chez elle et la préparer pour ses parents ! Il n'y a pas d'enfants récalcitrants pour toujours. Regardez ces sourires ! La cuisine créatrice de liens
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BonjourDepuis plus de 20 ans, la cuisine est pour moi un accès vers un mode de vie plus juste, plus simple mais néanmoins ambitieux : nos trois repas quotidiens se répercutent sur notre santé mais aussi sur l’équilibre économique, écologique, sanitaire, éducatif, philosophique, spirituel de notre société. Quelle chance de pouvoir interagir sur tout ça rien qu'en mangeant ! Archives
Mars 2024
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